La levée du corps se poursuit dans le voisinage et est l’occasion de se livrer à quelques premiers pas de danse - ©François Beaurain pour TV5MONDE |
Par François Beaurain pour TV5MONDE |
Depuis une vingtaine d’années, une pratique
funéraire fait fureur à Lagos : faire danser les cercueils. Ce service, encore
réservé à une élite, permet d'engager des porteurs de cercueils qui dansent
lors de la procession jusqu'au cimetière. Reportage.
Francisco Olusegun, 31 ans, ne correspond pas au
cliché du croque-mort impassible et à la mine grave. Fan de hip-hop, Francisco
a trouvé une manière bien particulière de
concilier passion et travail. Il est aujourd’hui meneur et chorégraphe
des pallbearers (croque-mort en anglais, mais littéralement « porteurs de
cercueil ») d’une entreprise de pompes funèbres familiale appelée MIC.
Son métier est de faire danser les cercueils, une
pratique qui fait fureur à Lagos depuis une vingtaine d’années. Encore réservée
à une élite, ce métier permet à Francisco de se vanter, non sans une pointe
d’ironie, d’avoir fait danser moult célébrités et quelques ex-présidents.
L’origine de cette pratique reste floue. On retrouve des danses
similaires au Ghana et dans la communauté noires du sud des Etats-Unis (sous
une forme plus solennelle). Il pourrait donc s’agir d’une réminiscence d’un
rite païen propre à l’Afrique de l’Ouest et aux afro-descendants, mais rien
n’est sûr. Pour Toyin Okusanya, 61 ans, l’oncle de Francisco et fils du
fondateur de MIC, cela n’a rien à voir avec une tradition, l’idée reviendrait
intégralement à son frère qui aurait créé le premier service de portage de
cercueils au Nigeria dans les années 1980 et qui y aurait ensuite introduit la
danse dans les années 1990.
Fêter un décès avec faste
Selon Francisco, les familles Ibo sont les plus demandeuses, mais de
manière générale que ce soit chez les Yoruba ou les Ibo (les deux principales
ethnies au Nigeria), dès que le défunt a atteint un âge canonique, sa famille
se doit de fêter son décès avec faste. Ce genre de cérémonies porte un nom,
celebration of life (fête de la vie), et c’est dans ce cas-là uniquement que
Francisco et sa troupe peuvent exprimer tous leurs talents.
Pour une "celebration
of life" type, Francisco aligne en plus de son corbillard six à huit
pallbearers, deux à quatre porteuses de fleurs et six à huit musiciens. Le
style des costumes, des musiques et des danses sont choisis en fonction des
sensibilités et origines ethniques de la famille du défunt, mais ce qu’on
demande avant tout aux porteurs de cercueils, c’est d’assurer un spectacle. Il
ne s’agit pas uniquement d’honorer un défunt, il s’agit aussi pour la famille
d’en mettre plein la vue aux invités et d’afficher son statut.
Se démarquer de la concurrence
A Lagos, de plus en plus d’entreprises proposent ce
genre de service funéraire et Francisco explique qu’il doit continuellement
innover et introduire de nouveaux pas pour se démarquer de la concurrence. Pour
cela, le plus simple encore, selon lui, est d’aller en club ou de regarder la
pop nigériane à la télé. Même s’il ne se définit pas comme artiste, le service
donné par ces croque-morts est bel et bien plus proche de l’univers du
spectacle que celui des pompes funèbres.
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