Test d'alcoolémie: les agents de police n'ont plus besoin de soupçons

© iStock Dorénavant, il y aura infraction si une personne arrêtée dépasse le taux d’alcoolémie de 0,08 (80 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang) dans les deux heures suivant une interception.
Dorénavant, il y aura infraction si une personne arrêtée dépasse le taux d’alcoolémie de 0,08 (80 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang) dans les deux heures suivant une interception.

À compter de mardi, les policiers n’auront pas besoin de motifs ou de soupçons pour soumettre un conducteur à un test d’alcoolémie. Un changement notable qui soulève des questions d’ordre constitutionnel.


Jusqu’à présent, les policiers devaient avoir des « motifs raisonnables de soupçonner la présence d’alcool dans l’organisme d’un conducteur » avant de le soumettre à un test de dépistage.

Or, avec la nouvelle loi C-46, le policier peut exiger de tout conducteur qu’il se soumette à ce test, même s’il n’a pas de raison de croire que la personne a passé le cap du 0,08.

Ce changement découle d’une réforme récente du Code criminel par Ottawa. Le gouvernement de Justin Trudeau plaide que l’alcool est encore à l’origine d’un trop grand nombre d’accidents (70 000 en 2016) et que 50 % des gens arrivent à échapper aux tests d’alcoolémie en dissimulant les effets de l’alcool lorsqu’ils sont interceptés.

La C-46 a aussi pour effet de limiter les moyens de défense de ceux qui se font prendre. Auparavant, des conducteurs faisaient valoir qu’ils avaient bu juste avant de prendre le volant et que leur corps n’avait pas encore métabolisé l’alcool (la « défense du dernier verre »). Or, ce ne sera plus possible puisque le dépassement de la limite sera illégal dans les deux heures suivant une interception.

Comme bien des experts en droit, le professeur Louis-Philippe Lampron de l’Université Laval s’attend à ce que la loi soit contestée en vertu de l’article 8 de la Charte des droits et libertés, qui garantit à toute personne au Canada « la protection contre les perquisitions ou les saisies abusives ». Jusqu’à présent, la jurisprudence interdisait grossomodo aux policiers « d’aller à la pêche », résume M. Lampron.

Il ajoute que les arrêts de la Cour suprême qui ont porté là-dessus accordaient beaucoup d’importance à la présence de « motifs raisonnables » pour justifier l’intrusion que constitue un test d’alcoolémie. Cette nuance, dit-il, était « fondamentale ».

En revanche, ceux qui espèrent un recul à la faveur d’une contestation judiciaire devront prendre leur mal en patience puisque, s’il y a contestation, il faudrait au minimum huit ou neuf ans avant que la Cour suprême rende une décision.

Une approche testée ailleurs


Chez Éduc’alcool, on fait valoir que les bénéfices d’un tel changement dépassent de loin les irritants qu’il va causer. « Entre vous et moi, le prix à payer pour souffler dans une balloune, c’est pas la fin du monde, plaide le porte-parole de l’organisme, Hubert Sacy. On en subit pas mal plus quand on veut prendre l’avion. »

Éduc’alcool est convaincu que ce changement va avoir un impact majeur.

« Cette mesure fait en sorte que peu importe mes talents de camouflage, je risque d’être intercepté, et ce risque d’être intercepté va modifier mon comportement », illustre M. Sacy.


D’autant que le Canada n’est pas le premier à faire une telle réforme, ajoute-t-il. Au total, plus de 40 pays, dont l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Belgique, la France et la Suède, procèdent désormais de cette façon.

Le Devoir - par Isabelle PorterVoir aussi sur msn

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