© Fournis par Le Devoir- Chacun a son style. Il ne fallait pas s’attendre à ce que le premier ministre Legault émaille son discours d’ouverture
Michel David
Chacun a son style. Il ne fallait pas s’attendre à ce que le premier ministre Legault émaille son discours d’ouverture de citations de Montaigne, de Saint-Exupéry, encore moins de Rosa Luxemburg, comme Philippe Couillard l’avait fait au début de son mandat.
En revanche, sur le fond, on ne peut pas dire que le genre se renouvelle beaucoup. Cela ressemble plutôt à une réinvention périodique de la roue. Heureusement, la mémoire est une faculté qui oublie rapidement. En écoutant M. Legault, on avait l’impression d’entendre Jean Charest dans son discours de juin 2003, quand il avait convié lui aussi les Québécois à « un grand renouveau de notre société ».
D’entrée de jeu, il avait annoncé que son gouvernement procéderait à un « recentrage du réseau de l’éducation sur l’élève et l’étudiant ». Il allait également « investir dans l’accompagnement et l’encadrement des élèves en difficulté ».
Il s’engageait en outre à « alléger et simplifier la réglementation » qui empoisonnait la vie des entreprises. Sans oublier l’urgence de mettre toutes régions du Québec à l’heure de l’Internet haute vitesse, qui semble avoir remplacé les bouts de route dont on reportait la construction d’une élection à l’autre.
La mise à jour économique de lundi aura aussi un air de déjà-vu. M. Charest avait déjà donné la recette il y a quinze ans : « Dans la distribution des baisses d’impôt, nous allons privilégier les familles avec enfants et la classe moyenne. »
Après qu’il eut continuellement reproché aux libéraux de ne pas avoir été suffisamment performants dans la création de la richesse, on aurait pu s’attendre à ce que M. Legault s’impose lui-même une obligation de résultat. Le gouvernement Couillard avait promis de créer 250 000 emplois en cinq ans, mais l’échéancier de M. Legault est aussi vague que ses ambitions sont grandes. Il faudra « quelques décennies » avant que le Québec rattrape son retard sur le reste du Canada, a-t-il dit. Donc bien après qu’il aura pris sa retraite.
M. Legault a déclaré que son gouvernement prônait « un nationalisme rassembleur, dont l’objectif est d’assurer le développement économique de la nation québécoise à l’intérieur du Canada, tout en défendant avec fierté son autonomie, sa langue, ses valeurs et sa culture ».
Il est pour le moins étonnant qu’il n’ait pas fait la moindre allusion aux nombreuses revendications qu’il avait formulées dans le « Nouveau projet pour les nationalistes du Québec » qu’il a présenté au congrès caquiste de novembre 2017 en contrepartie de sa conversion aux bienfaits de l’appartenance à la fédération canadienne.
Pas un mot sur le rapatriement de points d’impôt, l’encadrement du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, les pouvoirs en matière de langue et d’immigration, la déclaration d’impôt unique, etc. La bonne entente avec Ottawa semble avoir pris le pas sur l’autonomie.
M. Legault a été tout aussi muet sur les mesures que son gouvernement entend prendre pour assurer la protection du français. Il se plaisait jadis à citer le rapport rédigé par la députée d’Iberville, Claire Samson, mais il semble avoir été écarté en même temps que son auteure.
Jean Charest, qui était certainement un Canadien aussi fier que lui, n’en était pas moins un apôtre de la doctrine Gérin-Lajoie. Il promettait de « donner un nouvel élan » aux relations internationales du Québec, qu’il voyait comme une « charnière culturelle » entre l’Europe et l’Amérique du Nord, alors que M. Legault entend leur donner « un accent qui va être plus commercial ».
Dans son discours de 2003, l’ancien premier ministre avait également insisté sur la responsabilité de son gouvernement face aux communautés francophones hors Québec. La gifle que Doug Ford leur a assénée aurait certainement justifié que M. Legault réaffirme cette responsabilité. Il a préféré évoquer les projets hydroélectriques qu’il rêve de réaliser avec l’Ontario et son désir de faire du Québec « la batterie du nord-est de l’Amérique ».
Comme le nouveau premier ministre, M. Charest se défendait bien de tout biais idéologique. « Il ne s’agit nullement d’être les tenants d’un courant de gauche ou de droite. Notre formation politique, vous le savez, a toujours visé le pragmatisme », disait-il.
M. Legault estime que les idéologues sont ceux qui ne comprennent pas qu’établir un troisième lien entre les rives nord et sud de Québec favorisera le transport en commun plutôt que l’étalement urbain, comme M. Charest le pensait de ceux qui ne voyaient pas les bienfaits de la réingénierie de l’État.
À l’époque, l’ancien premier ministre souhaitait déjà ce que M. Legault appelle « libérer les forces du secteur public en modernisant sa gestion et en éliminant les lourdeurs administratives ». L’adhésion des employés du secteur public, qu’il dit souhaiter, risque de ne pas être très spontanée.
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